Sylvie Jean au Bar à Pitons par Max-Antoine Guérin

28 janvier 2011
Photos: Tom Core
Texte: Max-Antoine Guérin
Avant de me rendre, dans ce froid de janvier qui vous prend à la gorge, à notre lieu de convivialité tardive par excellence, je ne savais vraiment ( mais vraiment ) pas à quoi m'attendre. Seul un nom propre, pas même un nom d'artiste, qui flottait dans un nuage d'incertitude. Peut-être même que secrètement, je m'attendais a être déçu, comme on prépare soi-même parfois son nid pour la déception qui point à l'horizon. Bien sûr je me fiais au bon goût de la très dynamique tenancière, mais je dois dire a fortiori que ma réaction ce soir là m'a moi-même étonné.

Encore sous le charme, que pourrais-je vous dire sinon que Sylvie Jean a une voix envoutante, une voix rieuse et pétillante, suave et voilée. Mais pas de ces voiles faits pour dissimuler. Il s'agissait d'un voile de légèreté, l'un de ceux des Mille et une nuits qui transforme le mouvement en danse et la danse en vol d'hirondelle. C'est le faste de l'antique Arabie qui dansait dans le grain de sa voix aux accents bien de chez nous. Décidément cette jeannoise a un trésor de chaleur dans sa voix et de quoi aller loin dans la musique. Avec une ouverture sur le monde qui nous rappelle la défunte Lhasa de Sela et une sonorité s'apparentant parfois aux mélodies du groupe québécois Tricot Machine ou du Fado brésilien, le trio a su créer, dans la salle automatiquement intime du Bar à Pitons, une atmosphère fraiche, festive et complice.

Sur scène encore plus que sur ses pièces enregistrées, elle a su utiliser toute les tonalités de sa voix, passant d'un humour pétillant avec la pièce "Barbies de plage" à une gravité plus poignante et une maturité poétique certaine avec des pièces comme "Poussière d'enfance", sans compter des paroles plus étranges comme "Elle parlait aux arbres".

Enseignant présentement au département des Arts et des lettres du cégep d'Alma, la chanteuse, qui a décroché la bourse Objectif Scène en 2008, a déjà deux albums à son actif, le premier "Du bout du monde" a été auto-produit en 2002 tandis que le second "Déjouer le vent", a été réalisé sous l'égide des productions de l'onde avec Edgar Bori, avec la participation de nombreux musicien, dont Catherine Major. De plus, depuis presque dix ans, elle a donné moult spectacles, fait plusieurs première-partie remarquées, des prestations au Saguenay Lac-st-Jean, à Montréal, Québec et même en Europe.

Depuis quelques temps déjà la chanteuse fait un trio avec son meilleur ami Pascal Bouchard aux percussions et son père, Pierre Jean à la guitare. Ce dernier, ancien professeur de musique, est loin d'être banal comme son presque-homonyme Pierre Jean Jacques. Il apporte en effet, par sa présence singulière et son toucher de guitare mélodieux, empreint de patience et de sensibilité, une couleur bien particulière au groupe. D'ailleurs, comme vous pouvez aisément le constater sur les photos, la chimie bien particulière qui unissait ce trio hors-norme. Autant sur scène que dans la salle, on avait nivelé le fossé entre les générations, et pour bien obéir aux différents stéréotypes qui les représente, je dirais que les têtes blanches côtoyait les riches baby-boomers et les paresseux dans la vingtaine.